Vous avez du mal à frustrer votre enfant? Comment faire? Quand le frustrer? Regardons ces points d'un peu plus près.
A la question: est-il important d'apprendre à nos enfants à gérer la frustration? La plupart d'entre nous répondrait probablement oui. Pourtant l'exercice n'est pas si simple que cela.
Ce que je vois très souvent à mon cabinet ce sont soit des parents qui frustrent trop souvent leurs enfants soit pas assez. Alors comment faire?
Savoir gérer la frustration est un apprentissage et pour apprendre il faut pratiquer. En effet, si vous voulez apprendre à faire du vélo, il faut pouvoir en faire et s'exercer. C'est la même chose pour la frustration. Si je veux apprendre à gérer cette émotion intense qu'est la frustration je dois y être confrontée de temps en temps. Il ne faut donc pas éviter la frustration si nous voulons que nos enfants apprennent à la gérer (nous verrons dans un prochain post pourquoi il est si important d'apprendre à gérer la frustration). Par contre, il ne faut pas non plus sans cesse frustrer nos enfants. En effet, s'ils sont trop souvent frustrés cela devient ingérable pour eux et pour nous. Il est important que nos enfants se remplissent de moments positifs et agréables afin d'avoir ensuite les ressources nécessaires pour gérer la frustration lorsqu'ils y sont confrontés.
Le premier pas est donc d'observer, avec un peu de distance, le quotidien de votre enfant et de vous mettre dans ses baskets. Est-il trop souvent frustré? Passez-vous votre temps à lui dire non, arrête, ça suffit! ou bien est-ce que vous évitez les moments de frustration comme la peste car vous redoutez la crise ou bien vous redouter de voir votre enfant triste?
Si on veut schématiser un peu, les journées de nos enfants devraient contenir plus de moments d'interactions agréables (jeux, rires, câlins, bisous. échanges, etc.) que de moments de frustration. Ces moments agréables vont permettre à nos enfants de mieux gérer la frustration lorsqu'ils y sont confrontés. En effet, imaginez qu'à votre travail votre boss passe son temps à tout vous refuser et à dire non à chacun de vos projets. Au bout d'un moment cela devient insupportable et vous avez juste envie de l'envoyer balader. Alors que si vous avez une bonne relation avec votre boss, elle/il vous respecte et vous encourage, la frustration sera beaucoup plus simple à gérer si elle/il vous dit non de temps en temps. Les interactions peuvent soit nous remplir d'énergie soit nous enlever cette énergie. Plus les interactions avec nos enfants les rempliront d'énergie positive, plus ils auront des ressources pour gérer la frustration et tous les moments plus difficiles du quotidien.
Alors comment trouver le bon milieu entre pas assez et trop de frustrations?
Il faut choisir ses batailles comme on dit (je n'aime pas cette expression mais je l'utilise quand même car elle nous parle à tous. Mais à mon sens il s'agit d'apprentissages et non de batailles.) Il faut choisir les moments où cela est important de dire non à nos enfants et ceux où ça l'est moins. Pour vous y aider, je vous propose de penser à ce que j'appelle les 3 "S": santé, sécurité, socialisation. Si le comportement de mon enfant affecte sa santé, sa sécurité ou sa socialisation je vais dire non. Je m'explique. Si mon enfant veut rester réveiller tardivement tous les soirs ou manger une trop grande quantité de bonbons ou faire des heures d'écrans, je vais dire non car ces comportements affectent sa santé! S'il veut courir sur la route, se mettre debout sur une table, ne pas mettre son casque à ski, je vais dire non car cela affecte sa sécurité. Pour finir, s'il mord, tape, insulte, se moque ou griffe quelqu'un, je vais également dire non car il est important pour sa socialisation qu'il intègre les règles d'interactions sociales.
Prenez donc un petit moment pour réfléchir à quelles sont les règles importantes pour vous et votre famille car plus on est convaincu et clair avec notre enfant plus la frustration sera simple à gérer pour lui.
Mais comment faire pour dire non?
Voici quelques points clés pour vous aider à dire non efficacement:
- Attention à l'entrée en matière: si vous arrivée comme une furie en criant "non!" à votre enfant, cela va créer une décharge de stress en lui et il réagira beaucoup plus fortement que si vous lui parlez de façon posé, calme et clair!
- Restez bref!....souvent les parents parlent des heures. "Alors non! Tu as déjà eu une glace. Maintenant ça suffit, ça fait 20 fois que tu me demandes cette glace. J'en ai assez. Tu fais des crises toute la journée et moi je n'en peux plus......" L'enfant se perd complètement dans ce trop-plein de parole. Soyez bref et conçis(e): Non mon coeur, on ne va pas prendre une glace maintenant. Tu pourras en avoir une demain."
- Soyez cohérent: parfois un parent va dire non alors que son visage dit oui avec un grand sourire. Votre expression et votre attitude corporelle doivent être en cohérence avec vos mots.
- Soyez clair et convaincu(e): si vous doutez de votre non et que vous n'êtes pas convaincu(e) cela va se ressentir et rendre la situation plus compliquée pour vous et votre enfant. Attention: être clair et convaincu(e), ne veut pas dire crier, être irrespectueux et rentrer dans un rapport de force. On peut être convaincu(e) tout en étant calme, empathique et bienveillant. Par ailleurs, le fait de crier montre souvent, contrairement à ce que l'on croit, que l'on est pas sûre de soi et que l'on a peur que notre enfant ne nous écoute pas. Nous ne sommes donc pas en train de communiquer de la clarté à notre enfant mais de la peur et de l'incertitude!
- Laissez les réagir sans montez en symétrie. Nos enfants ont le droit d'être frustré. La frustration est rarement une émotion silencieuse chez les enfants. La frustration c'est bruyant. Laissez-les donc exprimer cette frustration (bien évidemment en veillant à ce qu'ils ne vous fassent pas mal ou qu'ils ne se fassent pas mal). Rappelez-vous que la frustration est une vague: ça monte puis ça redescend. Par contre, si vous réagissez en miroir et que vous criez quand il crie cela va juste empirer la situation et la vague va prendre beaucoup plus de temps à redescendre. De même si dès qu'il crie vous dites: "oh non, d'accord, je te donne une glace mon amour!", cela ne va pas l'aider à apprendre à se réguler lorsqu'il est confronté à de la frustration. Laissez donc votre enfant exprimer cette frustration sans avoir peur de cette émotion et sans monter en symétrie...et attendez juste que le soufflé redescende!
Vous trouverez plus d'infos sur comment accompagner vos enfants dans un moment de crise ou de frustration dans le guide Etre parent, parlons-en
- Décrivez ce que vous voyez: "Je vois que tu aimerais cette glace mon coeur. Je comprends. On en prendra une demain." L'empathie aide nos enfants à réguler leurs émotions. Plus nos enfants se sentent entendu et compris plus ça les aide à gérer leur frustration. Vous pouvez bien sûr leur donner un câlin et leur offrir votre présence réconfortante pour les aider à se réguler.
Attention: être empathique ne veut pas dire offrir une éducation permissive et laxiste. Ce n'est pas parce que je comprends mon enfant et que je l'accompagne dans ce moment de frustration que je vais dire oui aux bonbons, aux écrans etc. Je dis non mais d'une façon constructive qui l'aide dans son apprentissage de la gestion de la frustration.
- Nous sommes un modèle d'identification et nos enfants apprennent par imitation. Donc, si en tant que parent, je réagis de façon explosive lorsque je suis frustrée et que j'ai du mal à réguler mes émotions, il y a de grandes chances que mon enfant fasse pareil. Si vous voulez que vos enfants apprennent petit à petit à se réguler sur le plan émotionnel, offrez leur un model sur lequel ils peuvent s'appuyer pour apprendre.
- Pour finir, et c'est à mes yeux le point le plus important, rappelons-nous que c'est un APPRENTISSAGE et non une BATAILLE. Si mon objectif est d'apprendre quelque chose à mon enfant et de le guider dans ses apprentissages, mon attitude ne va pas être la même que si mon objectif est de gagner la bataille et de lui montrer qui est le boss. Nos enfants réagissent fortement à nos attitudes corporelles. S'ils sentent qu'on est dans un rapport de force, ils vont souvent réagir par de l'opposition alors qu'ils se montreront beaucoup plus collaborants si on adopte une attitude de guidance et de bienveillance.
Rappelons-nous que l'objectif des règles et des limites n'est pas de contrôler et de dominer nos enfants mais de les aider petit à petit à prendre soin d'eux, à gérer leurs émotions, à intégrer des règles de vie et à s'autonomiser.
Pour conclure, n'oubliez pas que notre façon de réagir lorsque nos enfants sont confrontés à de la frustration, est fortement liée à notre histoire, à nos parents et à comment nous avons été frustré en tant qu'enfant. On voit bien que certaines personnes sont très activées par les cris et les pleurs de leurs enfants. Cela leur fait soit très mal au coeur et ils évitent de frustrer leurs enfants car eux-mêmes n'ont jamais connu la frustration en tant qu'enfant. Soit ça les énerve et ils rentrent dans un rapport de force, tout comme leurs parents le faisait avec eux à l'époque. Nous verrons dans un autre post pourquoi c'est parfois si difficile en tant que parent de frustrer nos enfants mais en attendant essayez de regarder votre enfance et de vous poser quelques questions. Mettez-vous dans les baskets de l'enfant que vous étiez et demandez-vous ce que vous ressentiez. Etiez-vous souvent frustré, est-ce qu'on vous écoutait, vous sentiez-vous compris et respecté ou bien est-ce qu'on ne vous frustrait jamais et on vous offrait ce que vous vouliez sans arrêt? Pensez-vous que la façon de faire de vos parents vous a été bénéfique?
Il est important de comprendre ce que l'on a vécu afin de devenir un parent plus conscient qui ne reproduit pas simplement ce qu'il a vécu en tant qu'enfant.
J'espère que cet article vous aura apporté des pistes utiles.
Si vous avez l'impression que votre enfant réagit très fortement à la frustration et/ou que vous avez du mal à gérer ces moments, vous trouverez de nombreuses vidéos et podcasts qui vous aideront à ces sujets dans le guide en ligne Etre parent, parlons-en
Je vous souhaite une excellente semaine,
Alessandra Retti Cordey
Psychologue-Psychothérapeute FSP
Comments