1) Commencez par les écouter:
Qu’est-ce qui leur fait peur?
Très souvent, on commence par rassurer nos enfants avant même qu’ils aient fini de parler: “Mais non, ne t’inquiètes pas le coronavirus n’est pas méchant pour les enfants, etc.” Mais ce qui les inquiète c’est peut-être vous, leurs grands-parents, un ami malade, etc. Donc, essayez d’écouter vos enfants et cibler leurs peurs afin de mieux comprendre ce qui se passe et être plus précis dans votre accompagnement.
On a souvent tendance à interrompre nos enfants. Laissez-les vraiment parler, évacuer leurs peurs et poser leurs questions.
Il est possible que votre enfant vous dise: “J’ai peur c’est tout. Je ne sais pas ce qui me fait peur.” Ne creusez pas plus loin, peut-être qu’il est juste difficile pour lui de mettre en mot la peur et la tension qu’il ressent tout autour de lui actuellement. Vous pouvez donc le mettre en mot pour elle/lui: “Peut-être que tu te sens un peu stressé(e)/tendu(e) en ce moment. C’est vrai qu’il y a plein de changements. Les magasins sont fermés, les gens portent un masque, maman et papa parlent beaucoup de ce virus, etc.” Verbalisez les changements et les nouveautés qu’il est en train de vivre afin de l’aider à mettre en mots ces changements, à lui montrer qu’il n’est pas seul et que vous comprenez ce qu’il vit.
2) Validez leurs ressentis & leurs émotions
Rappelez-vous que plus on se sent entendu plus on se sent détendu! Votre enfant a donc besoin de sentir que vous le comprenez. “Je comprends que tout cela t’inquiètes!” Avant de rassurer nos enfants avec des faits et de la réflexion, il est important de commencer par valider leurs émotions. Pourquoi? Parce que lorsque nous sommes envahis par une émotion telle que la peur c’est notre cerveau reptilien et notre cerveau émotionnel qui prennent le dessus et on ne parvient pas à réfléchir logiquement et écouter des explications rationnelles. Afin de réellement pouvoir rassurer, il faut donc commencer par calmer les cerveaux plus émotionnel et instinctif et ainsi aider la zone plus rationnelle du cerveau (le cortex préfrontal) à reprendre un peu le dessus. Comment faire? Les études montrent que l’empathie est une des façons les plus efficaces pour faire redescendre une émotion et réactiver le cortex préfrontal. C’est pour cela qu’il est aussi important de commencer par valider, montrer de l’empathie, faire un câlin. Ainsi vous ferez redescendre le niveau d’activation des cerveaux limbique (émotionnel) et reptilien et votre enfant sera plus à même d’entendre vos explications rationnelles visant à le rassurer.
3) Rassurez factuellement vos enfants en fonction de leurs peurs et donnez-leur des informations réalistes concernant le virus:
Avant tout, donnez-leur quelques explications concernant le virus si cela n’a pas encore été fait. En effet, à travers les médias, certains enfants ont eu l’impression que le coronavirus tuait toutes les personnes qui étaient contaminées. Ce qui, bien sûr, n’est pas le cas. Vous pouvez leur dire par exemple: “Le coronavirus est un virus. Un virus c’est comme la grippe, la varicelle, tu vois? Cela peut nous donner de la fièvre, de la toux, etc. Il y a plein de personnes qui ont eu le virus et qui n’ont pas eu de symptômes. Chez les enfants, par exemple, ce virus semble souvent ne rien vous faire du tout. Votre corps gagne très facilement contre le virus. C’est top ça, hein! Chez certaines personnes ce virus donne un peu de fièvre, un mal de tête, de la toux, un mal de gorge. Chez d’autres, il peut donner beaucoup beaucoup de fièvre et énormément de toux, etc. Mais le virus est surtout mauvais pour les personnes âgées ou "fragiles sur le plan de la santé" (les personnes qui ont des maladies graves comme un cancer.) Pour ces personnes, le virus peut être plus difficile à combattre. Mais les enfants eux combattent souvent très facilement le virus."
Ensuite, reprenez la peur spécifique de votre enfant. S’il vous a dit qu’il avait peur que lui meure alors les explications précédentes seront probablement suffisantes. Si sa peur vous concerne alors rassurez-le: “Je suis en très bonne santé et j’ai toute la force qu’il faut pour que ce virus ne me fasse aucun mal”…accompagnez cette explication d’un gros câlin. Si vous faites partie du groupe de personnes plus à risque et que votre enfant en est conscient alors rassurez-le quant au fait que vous vous protégez: “Justement, ce virus peut être embêtant pour ma santé et c’est pour cela qu’on se protège bien afin d’éviter que je l’attrape. Je prends très bien soin de ma santé. Tout va bien se passer!” Soyez également rassurant dans votre langage non verbal. Les enfants y sont très sensibles.
S'il/elle vous dit qu'il/elle a peur pour ses grands-parents, vous pouvez dire: “Je comprends. Les personnes âgées, seniors, et/ou fragiles sont plus à risque pour le coronavirus. Elles peuvent faire beaucoup de fièvre et se sentir très mal. Mais attention cela ne veut pas dire que toutes ces personnes meurent du coronavirus si elles l’attrapent. Pas du tout! Ça veut dire que cela peut être plus difficile pour elles que pour nous de battre le virus. Il faut donc essayer de protéger ces personnes le plus possible. Elles doivent sortir le moins possible et comme ça le virus n’arrive pas jusqu’à eux. Mais encore une fois, même si le virus arrive jusqu’à eux ça ne veut dire qu’il va leur faire beaucoup de mal.” Ces mots ne sont bien sûr que des exemples et des pistes pour vous donner des idées. L’important c’est que vous trouviez les mots qui vous font sens et qui vous ressemble. Votre enfant sera réceptif à ce qui vient authentiquement de vous.
Bien sûr certains enfants qui étaient déjà anxieux ou qui le sont devenus vont pousser le raisonnement plus loin: “mais si grand-papa mourait quand même et si toi tu mourais et si tout le monde mourait!” S’ils vous répètent fréquemment ce genre de questions malgré vos tentatives de les rassurer, c’est qu’il faut procéder autrement. Ces enfants ont besoin qu’on arrête d’éviter le sujet en disant: “mais non tout va bien se passer, rien ne va jamais t’arriver.” Ça ne marche pas. Quoiqu’on puisse dire ou faire leurs peurs restent au premier plan. Ils reviennent sans cesse à la charge avec leurs questions car ils ont compris que la vie est incertaine et ils cherchent juste une aide de votre part sur comment gérer cette réalité là. Ces enfants ont besoin qu’on leur confirme que oui la vie est faite d’incertitude et que la mort peut venir frapper sans prévenir: “oui c’est vrai qu’un jour grand-papa va mourir, mais on espère que ce sera dans très longtemps. Il peut bien sûr tous nous arriver quelque chose dans la vie, tu as raison. Un accident de voiture par exemple, mais cela n’arrive pas souvent. La plupart des gens vivent jusqu’à plus de 80 ans.” Avec ces enfants j’aime bien faire un exercice dans lequel les enfants prennent deux feuilles. Sur l’une d’entre elles, ils doivent dessiner des ronds pour toutes les personnes de moins de 70 ans qu’ils connaissent qui sont mortes et sur une autre feuille ils doivent mettre des cercles pour toutes les personnes qu’ils connaissent qui ont moins de 70 ans qui sont en vie. Cela leur permet de comprendre visuellement que la plupart des gens vont bien et que oui les gens meurent, mais très souvent c’est lorsqu’ils sont âgés. Ensuite, dites-leur qu’on peut aider leur tête à penser à autre chose, à savourer la vie, à s’amuser, à rigoler et à ne pas toujours penser à ce qui pourrait arriver de pire. Pour les aider à faire cela, lisez sur l’anxiété, consultez un thérapeute qui pourrait vous guider ET surtout apprenez à gérer vos propres angoisses de mort. Car très souvent ces enfants ont un ou deux de leurs parents qui sont anxieux et également des grands-parents, etc. Pour rompre la chaîne de l’anxiété, il est très important que le parent travaille également sur lui-même. Il n’est jamais trop tard et l’anxiété se soigne très bien!
4) Protégez vos enfants du trop-plein d’informations et des informations non adaptées à leur âge
Faites attention au contenu de vos discussions devant les enfants même lorsque vous avez l’impression qu’ils n’écoutent pas. Adaptez le contenu à leurs âges. Ils ne peuvent pas comprendre les informations comme nous ni relativiser comme un adulte le ferait. Soyez donc vigilant. N’allumez pas les nouvelles qui recensent chaque jour le nombre de morts devant les enfants! Cela n’a aucun sens. C’est comme si on affichait chaque fois à la télé les accidents de voiture de la journée dans le monde. La vie est faite en partie de maladies et d’accidents, il est important d’apprendre à vivre avec cela, mais pas de regarder des informations qui nous jettent constamment cette réalité en pleine figure!
5) Donnez l’exemple
Si vous êtes complètement paniqué, cela va bien sûr alimenter l’anxiété de votre enfant. Actuellement c’est comme si les pensées de beaucoup de personnes étaient bloquées sur la chaîne télévisée s’intitulant: on risque tous de mourir. À nouveau, si on reste bloqué là-dessus on ne va pas être très rassurant pour nos enfants. Reprenez le contrôle sur vos pensées et vos actions. Ne regardez pas que des posts, des émissions ou des articles sur le coronavirus. Regardez et lisez des choses qui vous font du bien, vous inspirent, vous font sourire. C’est essentiel! Lorsque le coronavirus et les pensées s’y rattachant vous envahissent, utilisez l’exercice de la télécommande et essayez de changer de chaîne et d’images et de penser à autre chose. Pensez à des images ou des sujets qui vous font du bien.
Ressourcez-vous d’énergie positive afin de les communiquer à votre enfant. Généralement qu’est-ce qui vous fait du bien: lire, méditer, faire de l’exercice, écouter de la musique, danser? Centrez-vous sur une routine qui vous fait du bien et qui vous permet de sortir de cet état de tension.
6) Bougez
N’oubliez pas, même si vous êtes confinés, que le fait de bouger fait redescendre drastiquement le niveau de stress. Faites des petits parcours à vos enfants pour qu’ils puissent bouger, courir et se dépenser. Participez-y également. Cela ne peut que vous faire du bien! Aérez fréquemment l’appartement ou sortez sur le balcon ou dans le jardin afin qu’ils puissent respirer de l’air frais et ressourçant.
7) Profitez des moments de partage avec vos enfants
L’échange, le partage, les câlins, les rires sont tous des éléments qui font redescendre le niveau de stress de chacun et augmenter le niveau de production d'ocytocine. Cela nous permet aussi de construire des souvenirs positifs dans ces moments difficiles.
8) Parlez des changements
Ce qui stress le plus certains enfants ce n’est pas le virus en soit, mais les changements occasionnés par le virus: plus d’activités extra scolaires, plus de copines ou de copains avec qui jouer après l'école, plus de réunions familiales, etc.
Demandez donc à vos enfants comment ils vivent cela? "Est-ce que ça t'embêtes qu'il n'y ait plus de judo la semaine?" Ecoutez-les sans les interrompre et validez ce qu'ils ressentent. Rassurez-les quant au fait qu'ils retrouveront probablement bientôt leurs activités et demandez-leur ce qu'ils aimeraient bien faire en attendant? Faire quelques fois de la patisserie avec vous ou des jeux de société? Cette écoute et les moments d'échange leur donnerons les ressources pour gérer les changements qu'ils vivent actuellement mais cela leur donnera également des outils pour gérer d'autres moments difficiles qu'ils auront peut-être à traverser dans leur vie.
9) Gardez le contact
Vos enfants ne voient plus certains de leurs ami(e)s, leurs grands-parents, ou d’autres personnes de la famille. S’ils ont l’habitude de les voir fréquemment cela leur manque probablement. Par conséquent, n’hésitez pas à organiser des appels vidéo avec ces personnes afin de maintenir une continuité dans le lien. Sans oublier que l’échange social favorise bien sûr également la diminution du stress!
Les règles d’hygiène: En ce moment les règles d’hygiène sont au premier plan: désinfection des mains et port du masque. Ces règles ont pour objectif de diminuer la propagation du virus. J’aimerais cependant souligner qu’il est également important de ne pas charger ces règles d’hygiène d’angoisse, de culpabilité ou d’une trop grande responsabilité pour nos enfants. Beaucoup d’entre eux sont encore jeunes pour penser à toutes ces règles et on voit bien que deux minutes après leur avoir lavé les mains ils touchent la barre d’escalier et se frottent ensuite le nez ou mettent les doigts dans la bouche. Ce sont des enfants et c’est normal que cela soit ainsi. Apprenez-leur les règles d’hygiène de bases qui seront importantes avec ou sans coronavirus. Restez la personne responsable de leur hygiène en leur désinfectant les mains si nécessaire ou en leur rappelant de le faire. Mais ne chargez pas ces moments de peurs ou de culpabilité: "Arrête de toucher tout cela tu pourrais tomber très malade et c'est très dangereux!".
Évitons que les conséquences de ce coronavirus soient une ribambelle d’enfants avec des angoisses obsessionnelles de propreté, de nettoyage et de contamination.
Pour finir, rappelez-vous également que certains enfants auront de la difficulté à verbaliser leurs peurs et la manifesteront autrement que par les mots: pleurs et/ou irritabilité plus fréquents, apparition de difficultés d’endormissement ou de sommeil, changement au niveau du comportement, augmentation de l’agitation, plus d’opposition et/ou d’impulsivité, des douleurs psychosomatiques, etc. Restez attentifs et si vous observez ces manifestations chez vos enfants, essayez de comprendre ce qui se passe et accompagnez-les face à ce qu’ils traversent.
Je vous envoie plein de pensées positives en ces temps tout particuliers!
Chaleureusement,
Alessandra Cordey
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